PROJET À L'HONNEUR
Dimension 64 – mai 2022
L’église et l’école repensées
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-

La brique blanche qui érige les nouveaux volumes est tant une référence qu’un point de rupture avec la maçonnerie plus sombre de l’église. Les petites tâches en forme de croix de la brique brun-gris rappellent l’histoire du site. (© Luca Beel)

Pour éviter la transmission des sons entre le gymnase et le niveau inférieur, un nouveau plancher flottant a été posé dans le volume principal de l’église. Les grands vitraux colorés sont protégés par un vitrage contre les dommages futurs comme des impacts de ballons. (© Luca Beel)

Une grande attention a été portée aux lieux extérieurs avec notamment un potager dans l’aile commune du bâtiment. « Les espaces extérieurs ont leur propre ambiance et qualification et peuvent au besoin être utilisés par les élèves », d’après Nicolas Raemaekers. (© Luca Beel)

Le nouveau volume blanc en forme de U se projette autour de l’ancien bâtiment religieux et crée une grande cour intérieure. Des escaliers et des plateformes absorbent l’inclinaison du terrain et sont autant de lieux d’assise et de rencontre. (© Luca Beel)

Le portique en acier jaune vif est une traduction moderne des arches en brique qui délimitaient autrefois le site. Ils font office de barrière de sécurité entre l’école et la chaussée animée, sans rompre le lien visuel. « Les élèves ont une vue sur la rue et les passants peuvent voir les activités de l’école. » (© Luca Beel)

Le portique en acier jaune vif est une traduction moderne des arches en brique qui délimitaient autrefois le site. Ils font office de barrière de sécurité entre l’école et la chaussée animée, sans rompre le lien visuel. « Les élèves ont une vue sur la rue et les passants peuvent voir les activités de l’école. » (© Luca Beel)

Le portique en acier jaune vif est une traduction moderne des arches en brique qui délimitaient autrefois le site. Ils font office de barrière de sécurité entre l’école et la chaussée animée, sans rompre le lien visuel. « Les élèves ont une vue sur la rue et les passants peuvent voir les activités de l’école. » (© Luca Beel)

À un stade précoce du projet, il a été décidé d’abandonner la disposition classique des classes au profit de concepts paysagers innovants et interactifs. « Le défi consiste à donner du sens et à concevoir une liberté », explique Nicolas Raemaekers. « Il faut des patères pour activer cela. » (© Timothy Schiettecatte)

Suite au terrain en pente, le niveau le plus bas du bâtiment de l’église bénéficie d’assez de lumière naturelle. Le concept paysager de l’école pour adolescents y est étendu. Le parachèvement brut des colonnes en béton trahit le lieu – l’édifice religieux – où l’on se trouve. (© Timothy Schiettecatte)

Dans un concept paysager différencié, l’acoustique est un point d’attention important. « Le long des murs, il y a des niches où les élèves peuvent s’assoir à deux », explique Nicolas Raemaekers. « Dans ces petits espaces, il faut tenir compte du temps de réverbération global mais aussi éviter que le son ne réfléchisse dans toutes les directions. » (© Timothy Schiettecatte)

À Porta 1070, un concept paysager est créé par groupes d’élèves, dans ce cas-ci par étage, avec des espaces et des ambiances qui stimulent à leur tour différents degrés ou intentions d’interaction. Le mobilier fixe et l’usage de couleurs et de matériaux forment l’épine dorsale du plan paysager mais laissent assez d’opportunités pour l’utiliser de manière flexible et créative. (© Timothy Schiettecatte)
PreviousNext
Le portique en acier jaune vif le long de la chaussée de Ninove animée à Anderlecht l’atteste : le site de l’église de Scheut a une nouvelle fonction depuis quelques années. L’église et le nouveau volume qui s’étend et entoure le bâtiment historique abritent 750 élèves de 10 à 18 ans. Un projet scolaire particulier, conçu par OSK-AR architecten et baptisé Porta 1070.
Nicolas Raemaekers, architecte-administrateur d’OSK-AR architecten, résume ce projet de plusieurs manières. Il s’agit d’un projet scolaire particulier mais aussi d’un programme vaste, d’un site exigeant et d’une réalisation dans un timing serré. « Les écoles subissent une pression pour construire davantage et augmenter le nombre d’élèves », explique-t-il. « On souhaite construire de tels projets aujourd’hui plutôt que demain. Ce qui met une pression sur la conception et l’exécution. De plus, il ne s’agissait pas d’une école classique mais de la combinaison d’une école pour adolescents – pour les élèves de cinquième année primaire jusqu’à la deuxième année secondaire – et d’une superstructure – pour les élèves de troisième année secondaire à la sixième – et des fonctions administratives inhérentes. Ajoutez à cela un site très étroit et fort incliné, dont une grande partie est occupée par un ancien édifice religieux et vous avez un beau défi à relever. »
Comme un geste enveloppant
L’ambition initiale de réaliser le programme complet de l’école dans l’église Saint-Vincent-de-Paul – aussi appelée église de Scheut – a rapidement été abandonnée. « Cela aurait complètement détruit l’intégrité historique et architecturale du bâtiment », reconnaît Nicolas Raemaekers. À la place, un nouveau bâtiment a été construit à côté de l’église, qui se projette en forme de U à l’arrière et enveloppe l’édifice religieux. Dans l’aile avant, parallèle à la chaussée de Ninove, se trouvent l’entrée principale, l’administration et l’école pour adolescents. L’aile arrière, côté du parc paysager autour de la rue de la Semence, abrite les classes de la superstructure et une seconde entrée pour les vélos. Un bloc commun et étroit est notamment dédié aux thématiques de laboratoire et de pratique et s’étend sur toute la profondeur du site pour relier les deux ailes. L’ancien édifice religieux, qui a eu de multiples fonctions par le passé, finalise le parcours et fait office de point de jonction et d’ancrage du site.
« Compte tenu de l’histoire sociétale de l’église de Scheut, nous voulions adopter une attitude modeste envers le bâtiment historique », poursuit Nicolas Raemaekers. « Le nouveau volume, construit selon la norme passive bruxelloise, ne pouvait en aucun cas le concurrencer. Pour cette raison, les blocs sont maintenus bas, avec deux étages au niveau du sol et un sous-sol. À l’arrière où le site plonge dans les profondeurs, le nouveau volume compte six étages mais arrive à peine à la corniche de l’église du fait de l’inclinaison du terrain. »
Bien que clairement différenciés, il était vital pour Nicolas Raemaekers que l’église et le nouveau volume racontent la même histoire. « Les bâtiments sont imbriqués entre eux, au sens propre comme au figuré. Tant à l’avant du site, où l’église et l’école d’adolescents se rejoignent, qu’à l’arrière où le volume de la superstructure s’accroche à l’ancien chœur, de grands passages veillent à ce que les espaces se déploient au-delà des limites. On peut traverser l’école en un seul mouvement sans pour autant percevoir les deux bâtiments distinctifs. Cependant, nous avons voulu rendre la nuance tangible, tant par respect pour l’édifice religieux que pour l’orientation. Nous avons donc posé plusieurs degrés de finition : dans les espaces historiques, les colonnes et les matériaux sont généralement laissés bruts alors qu’ils sont magnifiés dans les nouvelles ailes. »
Pour l’extérieur, OSK-AR a aussi fait usage du parachèvement et de la matérialité pour naviguer entre la connexion et le contraste. La brique blanche qui érige les nouveaux volumes et permet d’amener la lumière et la réflectance au cœur de la zone intérieure, est tant une référence qu’un point de rupture avec la maçonnerie plus sombre de l’église, tandis que les petites tâches en forme de croix de la brique brun-gris des nouvelles façades rappellent l’histoire de manière ludique, voire iconique.
L’église devient un gymnase
Pour Nicolas Raemaekers et OSK-AR architecten, il fut vite évident que l’église de Scheut de 1936 qui n’était pas classée devait être le point d’ancrage de l’ensemble du projet, même s’il a fallu chercher le bon programme pour ce site remarquable. Il fallait préserver l’espace intérieur mais aussi trouver une cohésion avec le rôle sociétal et culturel qu’avait remplie l’église jusqu’à présent. Un exercice qui a finalement conduit à la création d’un gymnase et d’un espace multifonctionnel dans le volume principal de l’église, pouvant être utilisé par l’école et lors d’activités de quartier, ainsi que des ateliers créatifs pour l’école des adolescents à l’étage inférieur. « Grâce au terrain très en pente, où l’arrière est deux étages plus bas qu’à l’avant, le sous-sol bénéficie d’une lumière naturelle suffisante via le côté latéral. Cela a permis de l’aménager comme un niveau à part entière avec notamment un ilot de cuisine, une installation musicale et un espace théâtre. »
Mais ce ne sont pas que les considérations spatiales et sociétales qui ont défini l’interprétation finale du volume de l’église. Les complexités techniques et énergétiques ont fait échouer les premiers plans qui prévoyaient plus de salles de classe dans l’église. Une étude physique du bâtiment de Daidalos Peutz a montré que l’isolation intérieure n’était pas une option parce qu’elle pouvait conduire à un endommagement du revêtement de façade par le gel. « Même si nous avons pu placer une isolation partout où c’était possible – principalement en toiture et au sol – nous n’aurions jamais pu atteindre le climat intérieur souhaité dans les espaces de vie de manière responsable », admet Nicolas Raemaekers. « Du moins pas dans le volume principal haut de 14 mètres. À l’étage inférieur, qui est plus compact et en partie au sous-sol, cette option fut heureusement possible. »
En aménageant dans le volume principal un espace dédié à un usage plus sporadique, à savoir le gymnase, OSK-AR architecten a su relever un défi technique de la rénovation, mais ce n’était pas tout. Le mauvais état du plâtrage et des autres finitions intérieures a nécessité un décapage de l’intérieur et le remplacement complet de la toiture, à l’exception de la charpente. Pour supporter les énormes unités de traitement d’air nécessaires à la ventilation du volume central, la structure portante des combles a été renforcée avec des poutres en acier et les grands vitraux colorés sont protégés par un vitrage contre les dommages futurs comme des impacts de ballons. Enfin, un nouveau plancher flottant évite la transmission des sons entre le gymnase et le niveau inférieur. « Nous avions aussi prévu un mur d’escalade dans la tour de l’église pour le quartier mais l’espace s’est avéré trop étroit », ajoute Nicolas Raemaekers. Nous n’avons pas d’autre alternative pour le moment. »
Pas d’enseignement entre quatre murs
Au centre du site, la constellation de l’église et de la nouvelle construction crée une grande cour intérieure qui se déploie sur trois niveaux du fait de l’inclinaison du terrain. À l’arrière, où le bloc de construction est plus élevé par rapport au niveau du sol, la zone intérieure établit un lien direct avec le parc autour de la rue de la Semence. À l’avant, les parois vitrées et le grand escalier en tribune assurent aussi un lien visuel avec le parvis de l’école et, par extension, la rue et la cour anglaise plus basse. « L’axe contribue à l’orientation visuelle du projet et établit aussi un lien explicite avec le monde extérieur. Les élèves voient ce qu’il se passe du côté rue, et les passants ont un aperçu des activités de l’école. »
Le paysage éducatif s’étend à d’autres lieux extérieurs. Entre le bâtiment de l’église et la parcelle adjacente, il y a ainsi un petit patio où des leçons et des conversations en groupes peuvent se tenir ; les élèves de l’école pour adolescents et ceux de la superstructure ont accès à un potager dans l’aile commune et un jardin est aménagé au dernier étage du bloc arrière. « Les lieux extérieurs ont leur propre ambiance ou qualification et peuvent être utilisés par les élèves en cas de besoin. À certains endroits, la rencontre et l’interaction sont stimulées tandis qu’à d’autres la concentration est privilégiée. Dans tous les cas, c’est une toute autre approche de celle des bâtiments scolaires classiques où la zone intérieure est fermée et uniquement accessible à des heures fixes. Ici, l’enseignement n’a pas lieu entre quatre murs et il y a une relation avec le domaine public. »
Paysage différencié
La relation avec l’espace extérieur est une traduction spatiale de la vision pédagogique particulière suivie par le projet Porta 1070. Elle ne se limite pas à la réorganisation de l’enseignement en trois cycles de quatre ans au lieu de deux cycles de six ans et la notion d’enseigner est repensée. « Nous observons depuis un certain temps déjà des glissements dans le système éducatif », poursuit Nicolas Raemaekers qui, avec OSK-AR architecten, a réalisé plusieurs projets scolaires. « Il y a une demande plus récurrente de salles de co-enseignement. Jamais auparavant cela n’avait été aussi loin qu’ici. Dans le cadre de ce projet, la communauté scolaire a mis en place un groupe de travail avec des experts pour établir une vision pédagogique totalement nouvelle. Il n’est pratiquement plus question de trafic à sens unique classique et l’accent est mis sur le développement des enfants en fonction de leurs capacités et de leurs intérêts, par le biais de relations et d’interactions mutuelles. »
OSK-AR architecten a participé au groupe de travail et a pu se pencher sur la traduction spatiale des visions et des concepts nouvellement développés. Sur base des premières perspectives et de visites de projets à l’étranger, il a rapidement été décidé d’abandonner la disposition classique des classes et d’adopter des concepts paysagers innovants et interactifs, bien que la mise en œuvre nécessite une collaboration étroite avec l’école. « Il est facile de dire ‘nous concevons un plan libre, à vous d’en faire quelque chose’ mais cela ne fonctionne pas comme ça. Le défi de tels concepts paysagers consiste à donner du sens et à concevoir la liberté. Il faut des patères pour activer cela. »
Pour le projet Porta 1070, un concept paysager différencié a été créé par groupe d’élèves, dans ce cas-ci par étage, avec des lieux et des ambiances qui stimulent à leur tour divers degrés ou intentions d’interaction. « Ce sont des endroits où on peut se retirer individuellement mais aussi des modules d’assise pour deux élèves ou des espaces où on peut se réunir en groupe. Le mobilier fixe et l’usage de matériaux et de couleurs définissent les lignes des lieux et forment l’épine dorsale du concept paysager mais il y a toujours une fluidité qui permet de gérer cela en souplesse, afin que les élèves puissent s’approprier l’espace de manière créative selon les besoins du moment. »
Nicolas Raemaekers veut souligner l’importance des concepts paysagers. « Traditionnellement, l’acoustique est évaluée en fonction du temps de réverbération dans la pièce mais dans de tels cas, il faut tenir compte des conditions locales. Nous avons par exemple prévu des niches le long de murs où les élèves peuvent s’assoir à deux. Pour éviter que le son de ces petits espaces ne réfléchisse dans toutes les directions, il a fallu prévoir une approche ciblée qui a été définie en collaboration avec le bureau d’études en acoustique ASM. »
Grandir ensemble
Depuis la livraison de Porta 1070 en septembre 2019, OSK-AR Architecten a réalisé d’autres projets scolaires innovants. La leçon que Nicolas Raemaekers veut retenir est que les concepts paysagers éducatifs doivent être développés en dialogue avec l’école. « Bien plus qu’avec les bâtiments scolaires classiques qui sont une sorte de passe-partout que l’on peut pour ainsi dire concevoir depuis son bureau, il s’agit ici d’un travail sur mesure. Comme les enfants n’ont pas les mêmes besoins, il n’existe pas de vision éducative unique. Il y a une multitude d’approches et de nuances qui ont toutes leur raison d’exister et qui ont leur propre traduction spatiale. Pour chaque projet, il faut donc se demander quels accents poser et quelles options cela crée pour un usage actuel et futur. Il faut trouver le bon équilibre entre un agencement fixe et la flexibilité qui dépend de la vision éducative spécifique. Et dans la plupart des cas, comme ici Porta 1070, les deux se développent ensemble. »
« Outre les organisations faîtières de l’enseignement, les pédagogues et les architectes, d’autres parties peuvent être impliquées », poursuit Nicolas Raemaekers. « Pensez aux psychologues, aux sociologues, etc. Plus nous déployons le débat sociétal sur l’enseignement, plus nous créerons d’opportunités. Nous pourrons alors transformer notre arriéré dans la construction d’écoles en un avantage. Nous avons aujourd’hui la chance de redessiner le paysage éducatif et de relever le défi avec de nouvelles perspectives. »
Fiche de projet
- Donneur d’ordre: Sint-Goedele Brussel vzw
- Architectes: OSK-AR architecten
- Stabilité: TOPCO Steenhuize
- Techniques: AA&O
- Acoustique: ASM Acoustics
- Physique du bâtiment: Daidalos Peutz
- Entrepreneur: Jan De Nul
- Superficie: 5.165 m2
- Budget: 11.500.000 euros
Chronologie
- 2016: Mission et démarrage du groupe de travail
- 2016 - 2018: Dossier conception et réalisation
- Février – Septembre 2018: Exécution Phase 1 (restauration et rénovation de l’église de Scheut)
- Avril – Septembre 2018: Exécution Phase 2 (nouveau bâtiment Ecole pour adolescents)
- Décembre 2018 - Novembre 2019: Exécution Phase 3 (construction Superstructure)
- Novembre 2019: Livraison
« Compte tenu de l’histoire sociétale de l’église de Scheut, nous voulions adopter une attitude modeste envers cet édifice historique. »
« Dans les bâtiments scolaires classiques, la zone intérieure est fermée ; ici, l’enseignement n’a pas lieu entre quatre murs et il y a une relation avec le domaine public. »
« Avec cet arriéré dans la construction d’écoles, nous pouvons aujourd’hui redessiner le paysage éducatif. »