PEOPLE & PROJECT
Dimension 76 – mai 2025
Dans, à travers et autour: Stadskantoor Gent repense l’espace public
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Le projet se situe à un point charnière entre la Woodrow Wilsonplein, le parc Koning Albert-I et la Graaf van Vlaanderenplein. Les interventions de SAR architecten et de Kraaijvanger architects tentent de reconnecter les espaces publics. (© Aiste Rakauskaite)

La façade de l’agora est en retrait afin d’accentuer l’effet de l’auvent. Lors de journées ensoleillées, les escaliers deviennent un endroit populaire pour s’assoir et déjeuner. En cas de mauvais temps, l’auvent offre une protection adéquate. (© Aiste Rakauskaite)

À l’origine, la frise monumentale de Jozef Cantré marquait l’entrée de la galerie et le passage vers le parc Albert-I. Aujourd’hui, elle est placée à l’entrée de l’agora. (© Aiste Rakauskaite)

La combinaison de la toiture plate et des façades en retrait de l’agora fait référence à l’auvent historique, sans toucher toutefois le bâtiment EGW. Grâce au caractère distinct, le bâtiment EGW retrouve toute sa splendeur et il y a un passage public entre le parc et la Woodrow Wilsonplein. (© Aiste Rakauskaite)

La combinaison de la toiture plate et des façades en retrait de l’agora fait référence à l’auvent historique, sans toucher toutefois le bâtiment EGW. Grâce au caractère distinct, le bâtiment EGW retrouve toute sa splendeur et il y a un passage public entre le parc et la Woodrow Wilsonplein. (© Aiste Rakauskaite)

Au niveau de la rue, le passage public entre les deux parties du bâtiment EGW a été rouvert conformément au concept d’origine. Quelques mètres plus haut, un pont relie la passerelle du bâtiment EGW au back office du centre administratif. (© Aiste Rakauskaite)

Au lieu du réaménagement initialement prévu, le bâtiment EGW a subi une rénovation complète. Dans les anciens bureaux de la direction, qui servent aujourd’hui de salles de réunion, des éléments caractéristiques comme le Parquet Noël et les boiseries ont été préservés et restaurés. (© Christine Deboosere)

Vue de la passerelle du bâtiment EGW vers l’agora, avec à gauche le pont entre les deux bâtiments et au-dessus le ciel étoilé conçu par Geo Bontinck dans une couleur bleu clair quelque peu surprenante avec des éléments en aluminium.. (© Christine Deboosere)

La structure élancée en acier de l’agora a été coordonnée à celle du parking souterrain et rappelle le hall de la gare historique du quartier Sud. L’espace est aménagé le plus sereinement possible, avec des guichets et des sièges spacieux pour accueillir les personnes souffrant d’un handicap, ainsi que des locaux de conversation et des petites salles de réunion pour les entretiens plus privés. (© Christine Deboosere)

Lors de l’agencement des guichets, il a été tenu compte des besoins variés des services. Le service Enseignement a notamment des espaces de discussion plus ouverts au caractère ludique, tandis qu’au service Migration, une plus grande attention est accordée aux salles pour des entretiens individuels. (© Christine Deboosere)

La maquette originale du concours de SAR architecten et Kraaijvanger architects montre clairement les intentions: ouvrir le passage et reconnecter trois espaces publics importants.
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Le quartier Sud de Gand a connu plusieurs transformations au fil des siècles. La plus récente, qui a vu en 2023 la rebaptisation des bâtiments EGW et AC en Stadskantoor, cherche à établir un lien avec les phases de l’histoire et tente de restaurer la dynamique particulière du site. Là où les bâtiments coupaient jusqu’à présent les espaces publics les uns des autres, SAR architecten et Kraaijvanger architects tente de les reconnecter.
Le quartier Sud de Gand a un passé riche et une dynamique unique. Plaine inondable entre deux bras de l’Escaut autrefois, il est devenu la porte d’entrée de la ville avec la construction du chemin de fer et l’inauguration du terminus Gent-Zuid en 1837. Lorsque que Gent-Sint-Pieters reprit le rôle près d’un siècle plus tard, la gare perdit sa fonction et les voies ferrées furent remplacées par le parc Koning Albert-I, élégant et géométrique. L’espace où se trouvait la gare est resté longtemps indéterminé et en grande partie inexploité jusqu’à la réalisation du bâtiment EGW par Geo Bontinck en 1958 pour l’hébergement des services d’électricité, de gaz et de l’eau de la ville. La construction du centre administratif ou bâtiment AC par le fils Dirk Bontinck en 1994 a finalement ancré l’image du quartier Sud, imprégnant la mémoire collective.
« Lorsque la bibliothèque installée dans le bâtiment EGW depuis 1992 déménagea au Waalse Krook en 2017, la ville a vu l’opportunité de centraliser ses services et de les simplifier pour les citoyens », déclare Johan Bosschem de SAR architecten. « Un concours d’architecture a alors été organisé pour un nouveau ‘Stadskantoor’ qui prévoyait d’une part la rénovation des trois étages inférieurs du bâtiment AC, et d’autre part l’intégration du bâtiment EGW classé. A l’origine, il y avait également une demande de plan directeur et de réaménagement de la Woodrow Wilsonplein, mais cela a malheureusement été supprimé après la phase du concours. »
Deux axes
Pour les lauréats du concours – SAR architecten et le cabinet néerlandais Kraaijvanger architects – il était évident qu’une telle mission devait rétablir les relations visuelles et spatiales entre les espaces publics sur et autour du site. « Les bâtiments se trouvent à un point charnière entre la Woodrow Wilsonplein, le parc Koning Albert-I et la Graaf van Vlaanderenplein », explique Johan Bosschem. « A l’origine, le bâtiment EGW reliait ces espaces publics : le passage entre les deux parties du bâtiment – le centre de propagande à l’avant et les bureaux à l’arrière – et l’auvent attenant assuraient une connexion visuelle et fonctionnelle. Lorsque le passage fut fermé dans les années ‘90 et que l’immense bâtiment d’entrée en verre du centre administratif remplaça l’auvent, les connexions furent rompues. La restauration des deux axes était donc une priorité pour nous. »
Le passage sous le bâtiment EGW a été rouvert et le bâtiment d’entrée du centre administratif démoli. À la place, il y a une agora surélevée : un vaste espace d’accueil ouvert et de double hauteur, avec une structure en acier élancée rappelant le hall de la gare historique du quartier Sud. Un côté est connecté au bâtiment AC tandis que les trois autres sont vitrés et offrent une vue sur le parc, le bâtiment EGW et la Woodrow Wilsonplein. L’accès à l’agora est marqué par la frise monumentale de Jozef Cantré qui ornait à l’origine la partie centrale de la galerie, la combinaison de la toiture plate et les façades en retrait faisant également référence à l’auvent historique, sans toucher cette fois le bâtiment EGW. Johan Bosschem: « Nous voulions un caractère distinct en termes de volume afin que le bâtiment EGW puisse à nouveau s’exprimer pleinement. En outre, nous voulions maintenir une ouverture suffisante au niveau du passage public entre le parc et la Woodrow Wilsonplein. Et cela fonctionne, le passage est aujourd’hui bien utilisé. »
Un nouveau pont relie les deux bâtiments de manière fonctionnelle. Il part de la passerelle d’origine entre les deux éléments du bâtiment EGW, passe au-dessus du passage public et traverse l’agora vers le second étage du bâtiment AC.
Travail intelligent et concept centré sur l’humain
Au niveau fonctionnel, le concept de SAR architecten et de Kraaijvanger architects vise une dichotomie nette entre le public et le personnel. Johan Bosschem: « A l’exception du centre de réunion au premier étage du bâtiment EGW, où les citoyens et les associations peuvent également louer une salle, les fonctions publiques se situent au niveau de l’agora. La zone centrale abrite principalement les guichets généraux tandis que plus à l’intérieur du bâtiment AC se trouvent les guichets de services spécifiques. » D’un point de vue technique et organisationnel, le concept des fonctions publiques – récompensé d’un Henry Van de Velde Award dans la catégorie Spaces en début d’année – a demandé un travail d’étude conséquent. « Nous ne voulions pas que les citoyens se sentent submergés par la dominance de cet outil urbain. Tout le monde – et la diversité est grande dans une ville comme Gand – doit se sentir à l’aise au Stadskantoor. L’espace est agencé le plus sereinement possible. Nous avons par exemple prévu plus de place aux guichets équipés de sièges pour accueillir les personnes souffrant d’un handicap. Il y a des locaux de conversation et des petites salles de réunion pour les entretiens privés. C’est important de tenir compte des besoins des divers services. Le service Enseignement dispose par exemple d’espaces de conversation plus ouverts au caractère ludique. Au service Migration, une plus grande attention est accordée aux locaux de conversation individuels. »
Au back office du Stadskantoor, qui occupe les étages de bureaux des bâtiments EGW et AC, chaque service a son propre espace ou niveau. Le principe directeur de l’agencement est le ‘travail intelligent’. « Cette approche est comparable à la nouvelle manière de travailler », continue Johan Bosschem. « Mais il ne s’agit pas de fournir des étages vides et des bureaux open space. Le principe tient principalement compte des gradations du caractère public. Aux étages du bâtiment EGW, vous entrez par exemple toujours par les zones les plus fréquentées : le coin café, souvent aménagé comme un espace de vie, la salle de photocopie, les sanitaires, etc. Ensuite, selon les besoins du service en question, des éléments constitutifs sont intégrés : des espaces où l’on peut s’assoir seul, à deux, à quatre ou plus. Les espaces ouverts entre les deux abritent les postes de travail flexibles plus traditionnels, utilisés en fonction du type de travail. »
Au bâtiment AC, le même principe est appliqué à plus grande échelle. « Le premier étage a un caractère ouvert et public, bien que réservé au personnel. C’est là que se trouve le point de service, les salles de réunion, divers lieux d’atterrissage offrant une vue sur l’agora et un grand café de travail donnant sur le parc. La structure de base se répète aux autres étages, avec des salles de réunion le long de la circulation centrale, puis les bureaux des différents services de chaque côté. »
Un dossier de restauration croissant
Travailler dans un contexte existant a posé de nombreux défis aux architectes. Ce qui, d’après la mission initiale, ne devait être qu’un réagencement du bâtiment EGW s’est transformé en une restauration complète et fondée tout au long du processus. « Lors de la phase de concours, nous avions fait réaliser une étude historique », explique Johan Bosschem. « Les dossiers de restauration de bâtiments datant de 1958 sont peu nombreux. On ne pouvait pas se baser sur grand-chose, en particulier lorsqu’il s’agissait de savoir ce qu’il fallait conserver ou non. Entretemps, il y a eu une prise de conscience qu’il y avait encore beaucoup à optimiser, tant en termes d’organisation que de confort et d’énergie. Lorsque les panneaux de façade se sont détachés pendant la phase d’étude, toutes les parties concernées ont compris que l’ampleur de la restauration serait plus importante. » L’équipe a rencontré d’autres surprises pendant la phase d’exécution. La structure du toit n’était par exemple pas assez solide pour les nouvelles installations techniques ; les plafonds suspendus devaient être remplacés et un travail conséquent a été consacré à la mise à jour des ascenseurs d’origine. « Nous avons eu beaucoup de chance car la ville a toujours réagi positivement », reconnaît Johan Bosschem.
Le résultat est une restauration sobre où les zones publiques et semi-publiques en particulier font explicitement référence au passé. Le centre de propagande d’origine est aujourd’hui un espace d’exposition, la salle Achiel Mussche fait office de grande salle de réunion et les locaux de la direction au bel-étage ont été transformés en salles de réunion. Des éléments caractéristiques comme le Parquet Noël et les boiseries dans les bureaux de la direction, les revêtements muraux et de sol en Travertin Romano du couloir attenant et le ciel étoilé de la salle d’exposition ainsi que la passerelle couverte ont été préservés et restaurés. Aux étages de bureaux supérieurs, qui ont fait l’objet d’une rénovation approfondie en raison de leur utilisation, les nombreux carreaux vitrifiés dans les gaines d’ascenseur, les cages de circulation et les blocs sanitaires sont les traces les plus marquantes du passé.
Une coordination complexe du chantier
Outre le dossier de restauration croissant du bâtiment EGW, le parking souterrain et la demande d’une fiabilité opérationnelle pendant les travaux ont également eu un impact significatif sur la conception. « La structure du parking souterrain a déterminé la structure de l’agora. Du fait de la présence du parking souterrain, il était impossible de prévoir le parking à vélos demandé pour 1.100 vélos au niveau -1, ce qui a eu pour conséquence que le parking à vélos est à moitié enfoui et que l’agora est surélevée par rapport au niveau du sol. Pour éviter que la pression ascendante ne se développe lors de la démolition de l’ancien bâtiment d’entrée, le parking à vélos a été réalisé avec une structure en béton plus lourde. »
La présence du parking souterrain a compliqué la réalisation des exigences techniques comme l’évacuation correcte des eaux pluviales et un tampon suffisant, ainsi que la sécurité tout au long de la phase de construction. « Imaginez qu’il y a eu ici un chantier pendant trois ans, au-dessus d’un parking public fonctionnel. Idem pour le bâtiment AC où les services de la ville ont continué à fonctionner. Ce fut très éprouvant, tant durant la conception que l’exécution car il fallait veiller à ce que l’accès aux services soit préservé, que les voies d’évacuation ne soient pas bloquées, etc. » Sur les trois années d’études intensives qui ont précédé le projet, une grande partie a été consacrée à la question de la continuité du fonctionnement pendant les travaux, et des recherches complémentaires ont encore eu lieu pendant la phase de construction, d’après Johan Bosschem. « Je ne pense pas avoir dirigé un chantier aussi complexe de toute ma carrière », conclut l’architecte.
Fiche du projet
Donneur d’ordre: Stadsbestuur Gent
Fonctionnaire dirigeant: Farys
Architectes: SAR architecten et Kraaijvanger architects
Architectes principaux: Johan Bosschem et Dirk Jan Postel
Entrepreneur principal : AB EIFFAGE & Alfa Technical Installations
Bureau d’études Stabilité: Studiebureau Riessauw
Bureau d’études Techniques: De Klerck Engineering
Bureau d’études PEB: De Klerck Engineering
Bureau d’études Acoustique: Bureau De Fonseca
Bureau d’études Organisation: Möbius
Signalisation: GELO – Mensgericht designstudio
Intégration artistique: Christine Deboosere & Martin Baeyens
Budget: 33.675.000 euros (tva excl.)
Calendrier: 2016 - 2023