INSTALLATION & TECHNIQUE
Dimension 67 – mars 2023
Colruyt Group oeuvre à son patrimoine circulaire
« Colruyt Group est une grande entreprise de construction » lance Mathias Steels, responsable du bureau d’études interne. « Chaque année, nous avons une cinquantaine de projets d’un million d’euros voire plus à la planification de la capacité. » Le secteur de la construction est en mutation. Il s’agit d’être plus efficient et plus durable. « Nous étudions les nouveaux matériaux et les procédés et nous expérimentons les flux résiduels biologiques, les mines urbaines et le réemploi de matériaux pour fermer la boucle », déclare Hilde Carens, project leader Matériaux de construction durables. « Nous visons un patrimoine circulaire d’ici 2050. »
Le bureau d’études de Colruyt Group rassemble 45 collaborateurs – 15 concepteurs, une vingtaine de dessinateurs et 10 ‘conceptualistes’ – et s’intéresse à l’enveloppe des bâtiments. Le service Retail Design, avec ses développeurs de produits, ses architectes et ses architectes d’intérieur, alimente le ‘brand book’ et le traduit en un guide de styles avec le ‘look & feel’ des diverses formules de magasins. « Nous l’utilisons par exemple quand nous appliquons des nouveaux matériaux », déclare Mathias Steels qui fait référence au magasin BIO-Planet dont le choix du mobilier et du revêtement mural accentuent le caractère. « Tout est défini dans des critères ou des listes standard. » L’objectif est de profiter des avantages d’échelle.
À proximité du siège du Groupe, un site de plusieurs centaines de mètres carrés est dédié au prototypage et au test en grandeur nature. « Une fois les nouveaux critères établis, nos collègues du ‘real estate’ recherchent un site adapté puis les concepteurs entrent en scène pour guider le ‘plan directeur’ tout au long des étapes décisionnelles. »
Quand les éléments du concept sont clairs, le dessinateur se met au travail et détaille le plan dans un logiciel 2D et 3D, selon le dossier d’autorisation. « Il faut maximiser les chances de réussite. Si les spécialistes sont parfois plus fragmentés, le travail d’équipe permet, lui, d’utiliser la force de chacun. »
Matériaux circulaires
Hilde Carens est impliquée dans le processus de construction. « Ma tâche est d’obtenir une construction la plus durable possible. » Comment s’y prend-elle ? « Nous étudions les bâtiments plus anciens. Quels matériaux renferment-ils et comment sont-ils utilisés ? Cela nous apprend à percevoir les choses autrement. Comment utiliser les matériaux dans un bâtiment, dans une optique de réemploi, de recyclage qualitatif et de valeur résiduelle ? Nous nous intéressons aussi aux matériaux des mines urbaines qui contiennent déjà une fraction du ‘contenu recyclé post-consommation’.
Le choix se porte sur des éléments adaptables tout au long de la durée de vie du bâtiment. À cet égard, Hilde Carens travaille avec JuuNoo pour les murs intérieurs et Wienerberger pour la pose par superposition à sec des briques de parement. La maintenance et les réparations du bâtiment sont également abordées. Enfin, dans une perspective de fin de vie, Hilde Carens étudie les options de réemploi des matériaux en interne et en externe. « Nous étudions de nouvelles pistes pour fermer la boucle et améliorer progressivement l’impact environnemental. »
Outre la recherche interne, le Groupe collabore avec des universités et le monde économique. « Nous agissons comme un promoteur externe pour les essais MA. Nous avons très tôt des contacts avec les profils adaptés et nous déclenchons des orientations de recherche auprès d’universités. » Des collaborations sont en cours avec le Vlaio, l’OVAM et il y a des initiatives comme Vlaanderen Circulair. « Ensemble avec le fournisseur et le transformateur, nous étudions comment faire du béton cellulaire un produit recyclé post-consommation. » Et si les fondations en béton n’étaient plus coulées mais réalisées à partir d’éléments préfabriqués ?
Mines urbaines de béton…
Colruyt Group est également actif dans les projets de recherche internationaux. Dans le cadre du projet EU ICEBERG, l’entreprise étudie, avec 35 partenaires de 10 pays, des solutions innovantes et rentables pour collecter des matériaux de construction et les transformer en de nouveaux produits, prêts à être réutilisés. (*) « A propos des mines urbaines : de quels matériaux est fait notre patrimoine et comment peut-on les extraire en fin de leur vie fonctionnelle ? » Comment réaliser une démolition sélective et un tri sur le chantier ? Que peut-on réutiliser qualitativement ? » « Le projet ICEBERG se focalise, pour la Belgique, sur le béton. Avec le Vito et l’Orbix, nous étudions la production et l’impact des blocs de carbonatation fabriqués à partir de notre propre béton. »
« Nous nous intéressons également à nos flux de résidus biologiques qui ne sont pas encore utilisés qualitativement », poursuit Hilde Carens qui en souligne le faible impact. Ici, Colruyt Group travaille avec Kamp C et Biobased Creations sur le projet ‘The Exploded View Beyond Building – The Exploded View’, une exposition sous la forme d’un bâtiment entièrement équipé où des fournisseurs viennent y présenter des démonstrations de leurs innovations dans les biomatériaux. Cette exposition néerlandaise viendra au Kamp C en 2023, le Provinciaal Centrum Duurzaam Bouwen & Wonen à Westerlo. « Quels sont les matériaux qui répondent à nos cahiers des charges techniques et quels flux résiduels de nos bâtiments peut-on utiliser pour éviter d’autres matières premières primaires ? »
… et briques
Fin novembre, un nouveau magasin Colruyt a ouvert à Zoersel. La façade est construite avec le système ClickBrick de superposition à sec de briques de parement de Wienerberger. Ces briques rectifiées et moulées à la main sont fixées les unes aux autres par des clips en acier inoxydable et des crochets d’ancrage. Le procédé n’utilise aucune colle ou mortier. Le système a été testé sur le site de Colruyt Group. La consommation d’acier est plus importante mais il n’y a plus de mortier, ce qui accélère la pose et la rend indépendante des conditions météorologiques. Les façades sont facilement adaptables pendant l’utilisation et la brique nue peut être récupérée facilement – et surtout propre – lors d’un changement de fonction ou en fin de vie. « La valeur d’une brique céramique plus pure est relativement fixe. Après une évaluation complète, durant laquelle nous examinons l’impact environnement et le coût total de propriété (TCO), elle est intégrée à notre patrimoine. »
Hilde Carens établit un ‘passeport matériau’ des produits utilisés et négocie avec les fournisseurs la reprise des matériaux récupérés en fin de vie. « Nos magasins ont une espérance de vie de 35 à 40 ans. Nos fournisseurs doivent dès à présent commencer à réfléchir à une reprise éventuelle. »
(*) Le projet EU ICEBERG bénéficie d’un financement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne selon la convention de subvention nr. 869336. (iceberg-project.eu)