ARCHITOUR
Dimension 67 – mars 2023
Architour: Perneel Osten architecten
À travers cette série d’articles, nous visitons en compagnie d’architectes un certain nombre de leurs projets afin d’avoir un aperçu de leur pratique architecturale. Aujourd’hui, Carmen Osten nous fait découvrir quelques-unes des créations réalisées avec Lore Perneel.
Au cours des quinze dernières années, Lore Perneel et Carmen Osten ont travaillé sur un portefeuille raffiné sous le nom de Perneel Osten Architecten. Dernièrement, elles ont chacune créé leur bureau sous leur propre nom, bien que plusieurs projets communs soient toujours en cours. Un moment propice pour découvrir quelques fruits de cette collaboration.
Emiel Claus – Deinze
Carmen nous emmène à Deinze pour une visite à ‘Emiel Claus’, une rénovation majeure d’une ancienne ferme le long de la Lys qui a permis au bureau de se faire connaître. Sur la chaussée, une allée bordée de haies nous guide jusqu’au bâtiment qui n’est pas visible de la rue. La ferme se déploie en deux ailes et est entourée d’une verdure qui s’étend vers la Lys, face à la rivière et aux prairies en arrière-plan. Entre le logement et la rue se trouve un jardin plus sauvage avec des arbres et un court de tennis. Le bâtiment ressemble à un animal qui se repose au jardin.
En arrivant, nous levons les yeux vers la structure des poutres du toit dont le sens porteur est modifié. À l’entrée, derrière le mur en bois, se cachent les toilettes des invités et un passage menant au coin salon surélevé. Quelques pas à gauche et nous sommes dans l’espace de vie avec, à droite, un grand mur de placards délimitant le coin salon surélevé et, à gauche, de grandes fenêtres donnant sur la verdure. Cependant, le regard est irrésistiblement attiré par la rythmique puissante des poutres du toit qui se prolonge dans la menuiserie. La vue s’étend au-delà de l’escalier jusqu’au premier étage où le toit se replie, le plafond étant éclairé par un puits de lumière invisible. Le toit devient architecture. Il s’élève et redescend jusqu’à pratiquement pouvoir le toucher au premier étage. Il est supporté par trois cheminées, une en briques et deux en béton. La première se dresse au centre de l’espace de vie, sur la plateforme, une gaine ouverte élancée en coffrage de béton brut qui doit accueillir poêle pour le coin salon. De la plateforme, on peut observer la vie sur la Lys. Dans l’ancienne habitation, et malgré sa proximité, la Lys n’était visible de nulle part et ce fut le point de départ du nouveau concept. La cuisine se situe à l’angle des deux ailes, cachée mais centrale et en contact avec les espaces de vie, et peut être fermée par une paroi coulissante. Au-dessus, un bureau spacieux donne sur le coin salon, et la zone de couchage crée une connexion avec l’autre aile. À l’extrémité, la chambre principale offre une vue sur la Lys. Les surfaces de toit au-dessus de la zone de couchage ont des pentes différentes, elles sont abruptes en bordure extérieure, tandis que le toit s’ouvre côté jardin.
Dans la maison, les propriétaires vivent comme des nomades et suivent le soleil tout au long de la journée. La zone du soir est un coin salon plus intime du côté de la Lys. La lourde cheminée en béton semble se prolonger dans le foyer grâce à l’imitation parfaite du coffrage béton en stuc. Le foyer cadre la vue depuis le coin salon et cache la villa des voisins, seule la nature demeure. Toute l’habitation est un exercice précis de cadrage de vues et de perspectives. L’attention méticuleuse portée aux détails et à la matérialité, avec une palette de matériaux limitée, comme l’Accoya pour la menuiserie et le parquet, fait que le logement ressemble à un grand meuble. Le résultat raffiné montre que les jeunes concepteurs ont placé la barre très haut dès le départ, avec le soutien des donneurs d’ordre engagés dans le concept.
École Steiner – Gand
Pour le second projet, nous nous rendons à l’école Steiner à Gand, sur l’ancien site Het Volk. L’école s’est développée au fil des ans au coeur d’un ilot de construction de la ceinture du 19ème siècle. Comme les bâtiments étaient principalement de plain-pied et très fermés, il n’y avait pratiquement aucun espace extérieur de qualité et peu de contacts entre l’intérieur et l’extérieur. Perneel Osten architecten et BACK Architecten ont remporté le concours pour la réorganisation du site et la construction d’un nouveau bâtiment scolaire. Ils ont imaginé deux blocs reliés par un toit : un bloc de trois étages avec des salles de classe et un bloc avec les ateliers sur deux étages. Le bloc le plus élevé est positionné de manière à ne pas priver de soleil les voisins ou l’école maternelle toute proche. Les deux volumes sont compacts et la circulation est maintenue autant que possible hors du volume protégé. Les ateliers n’ont pas de couloir mais s’ouvrent sur l’extérieur.
Les escaliers principaux sont situés entre les deux blocs, à l’extérieur mais protégés par le toit. Les ascenseurs et les sanitaires donnent sur cet espace intermédiaire afin d’économiser autant que possible le compartimentage et les précieux mètres carrés. Un second escalier est prévu dans le volume abritant les salles de classe. Les deux blocs ont la même apparence avec une peau de briques mais leur structure et leur finition intérieure sont différentes et adaptées à leur utilisation. Les classes sont en bois massif, les ateliers en briques de béton apparentes. Les deux volumes embrassent un espace extérieur couvert. Cela crée une nouvelle cour intérieure centrale, où l’auvent fait également office de pare-soleil. Cet espace abrité est relié aux ateliers et à la salle de musique, et il est possible d’ouvrir les portes pour permettre aux élèves de travailler ou de faire de la musique à l’extérieur.
Sur le site, les arbres existants ont été préservés au maximum et les cimes des arbres matures atteignent les fenêtres des classes supérieures. Dans son langage formel, le nouveau bâtiment scolaire fait référence à une grande maison, d’une part pour établir un lien avec les maisons avoisinantes, d’autre part parce qu’une école est une seconde maison où le degré de convivialité y est important.
Quai de l’Escaut – Gand
Non loin de l’école, nous nous arrêtons devant un vieux bâtiment, une ancienne usine de feutre en bordure du Keizerspark, divisée en appartements. L’appartement du haut, qui occupe le dernier étage et le toit, ne disposait pas d’un espace extérieur. L’attention s’est portée sur cet étage et un nouvel escalier qui y accéder. La structure de toit existante a été renforcée par des fermes en acier afin de pouvoir retirer une partie du toit et créer une grande terrasse. L’étage du toit fonctionne comme un jardin d’hiver ou se transforme en terrasse lorsque la paroi vitrée est ouverte. La vaste terrasse donne sur le parc et dynamise tout l’appartement.
Rietveld – Lochristi
Le dernier projet que nous visitons attend les finitions. L’ancienne maison d’artiste de Gilbert Deroeck, conçue par Paul Soetaert, se situe dans un véritable oasis. Les propriétaires actuels ont la main verte et les plantes se prolongent à l’intérieur via un jardin d’hiver. L’architecture et l’environnement évoquent les ‘case study houses’ et les îles Canaries, mais dans un contexte flamand. Le nouveau carrelage en terre cuite dans toute la maison renforce la sensation d’été, même par temps gris – le palmier dans le jardin y contribue naturellement. Les architectes ont conservé le langage de l’architecture existante pour écrire la suite de l’histoire, comme les plafonds peints en noir à l’extérieur et en blanc à l’intérieur, et le parement parfois blanchi. Un nouveau volume en briques sert d’atelier de jardinage. Dans la maison, ils jouent avec les perspectives, les marches, les points de lumière et le contact varié avec le jardin. Là encore, la palette des matériaux est maitrisée. Le bois de la cuisine revient dans un élément mural en bois particulièrement beau qui forme un angle dans lequel les portes du cellier et des toilettes sont travaillées. Même dans son état inachevé, le projet montre comment Perneel Osten architecten peut amener une architecture existante à un niveau supérieur en créant des lieux agréables, une ligne qui se poursuivra sans doute dans les futurs projets individuels.
www.perneelarchitectuur.be
ostenarchitecten.be