PROJET À L'HONNEUR  
Dimension 67 – mars 2023

Le BMCC: un colosse modeste

Un an après son inauguration officielle, le Bruges Meeting & Convention Centre, ou BMCC, peut se prévaloir d’avoir accueilli 52.000 visiteurs et plus de 100 clients, et occupé une place d’honneur au Light festival Wintergloed où ses caractéristiques architecturales ont été mises en valeur par un spectacle de lumières et laser. Le bâtiment proposé par META architectenbureau et Eduardo Souto de Moura apporte une nouvelle dynamique à la place de la Bourse à Bruges et peut difficilement être comparé au bâtiment obsolète et monofonctionnel d’antan. D’après les architectes, on aurait pu aller encore plus loin.

L’ancien bâtiment – un hall rectangulaire spartiate construit en 1966 comme structure temporaire par Groep Planning – s’est dressé durant cinquante ans sur la place de la Bourse à Bruges. Fin 2015, alors que les dysfonctionnements structurels, techniques et de programmation ne peuvent plus être ignorés, décision est prise de le démolir et d’en reconstruire un nouveau sur le site, agrémenté cette fois d’installations pour l’organisation de conférences.

« Ce ne fut pas une décision évidente », fait savoir Eric Soors de META architectenbureau qui a remporté le concours d’architecture avec l’architecte portugais Eduardo Souto de Moura. « Ce n’est pas sans raison si la plupart des halls d’exposition sont aujourd’hui situés hors de la ville. C’est le choix le plus évident en termes d’accessibilité et de d’opportunités de stationnement. Ici, nous sommes au cœur de la ville, à un jet de pierre du ‘t Zand et du centre historique animé et protégé. C’est une question d’organisation particulière. »

L’emplacement atypique du projet ne fut pas qu’un défi logistique. Sur ce site au centre-ville de 9.000 m2, entouré d’arbres précieux et d’un mix d’établissements horeca, de maisons individuelles et multifamiliales, il a fallu réaliser un programme de 15.000 m2, incluant le hall d’exposition de 4.500 m2 et en tenant compte d’une empreinte maximale de 5.250 m2 et des restrictions en hauteur. « Il n’y avait pas beaucoup de marge de manœuvre. La construction du hall d’exposition était assez contraignante, tant envers le bâtiment que l’espace public. »

L’histoire de deux places

Les restrictions liées au hall d’exposition ont été appréhendées par META architectenbureau et Souto de Moura pour ancrer le bâtiment dans son contexte urbain. « Tout d’abord, nous avons étudié les options : d’un hall semi-immergé jusqu’à une boîte flottante au +1. Mais il est rapidement apparu qu’il fallait privilégier le niveau du sol, non seulement d’un point de vue logistique pour faciliter le chargement et le déchargement, mais aussi pour établir une relation avec le voisinage. Comme le hall d’exposition est vide une grande partie de l’année, il y avait une belle opportunité à saisir. »

 

Contrairement à la typologie de la boîte fermée, le hall d’exposition du BMCC se caractérise par un plan entièrement ouvert et pratiquement sans obstacles, une lumière naturelle abondante et des façades vitrées tout autour offrant une vue panoramique et qui peuvent s’ouvrir sur trois côtés pour effacer la frontière entre l’espace intérieur et l’extérieur. « Compte tenu des conditions de programmation du projet, il était inévitable que le BMCC, dans son contexte, soit un colosse qui entrave la circulation sur la place de la Bourse. Avec le socle en verre, nous avons donc introduit une transparence au rez-de-chaussée qui souligne le caractère public du bâtiment et évoque une place couverte à part entière lorsqu’il est ouvert. Les résidents locaux peuvent aisément la traverser. »

 

 

En théorie du moins. Malgré le concept élaboré, la notion de place couverte doit en effet encore faire ses preuves un an après l’ouverture du bâtiment. « Des inquiétudes pratiques semblent encore dominer aujourd’hui », fait savoir Eric Soors. « Il y a des questions sur la sécurité, la présence potentielle d’oiseaux et autres animaux, sur d’éventuelles heures d’ouverture. Il est parfaitement possible de fermer les portes à une certaine heure mais cela implique alors qu’une personne en soit responsable. Et au niveau de la gestion facilitaire, cette étape n’est pas encore franchie. »

 

Si le hall d’exposition reste temporairement fermé, il y a heureusement un nouvel espace public de l’autre côté du bâtiment. « En tenant compte de la condition de maintenir une distance minimale de 20 m par rapport aux façades arrières, le bâtiment a été poussé le plus loin possible côté sud-ouest du site. Contrairement à l’ancien bâtiment, dont l’entrée se situait au sud-ouest et donc à l’écart de la ville, une nouvelle esplanade urbaine a été créée qui, grâce au réaménagement des rues avoisinantes, se connecte au centre historique de la ville. »

Le pavement se déroule tel un grand tapis en béton lavé du ’t Zand au BMCC et même à l’intérieur, tandis que l’entrée et l’intérieur du bâtiment sont orientés vers l’espace public du ’t Zand et le centre historique. A l’inverse des façades aveugles en briques surmontant le socle en verre, la façade avant bénéficie d’une coupe robuste et monumentale, marquée par un surplomb remarquable et une cadence rythmée de colonnes de briques flottantes dans une frise d’acier. À l’intérieur, les colonnes offrent une protection solaire et encadrent diverses vues de Bruges et de ses trois tours. Ici aussi, le dialogue avec la ville historique est permanent. « Au restaurant, la façade arrière est fermée afin de diriger l’attention sur la vue sur la ville », poursuit Eric Soors, « et l’auditoire est équipé de tribunes délibérément orientées vers la ville. Pendant les pauses, lorsque les rideaux sont ouverts, une dynamique particulière et unique est créée. »

Divisible

À l’instar des deux places publiques proposées par le BMCC, le programme du bâtiment se déploie dans deux sens. L’orientation horizontale du hall d’exposition, qui couvre pratiquement la totalité de la surface du bâtiment, est contrebalancée par les installations verticales du centre de conférences, qui interviennent à partir du premier étage. Le hall d’entrée commun au rez-de-chaussée est le point pivot. Le visiteur a le choix: soit passer les portes vitrées pour accéder au hall d’exposition soit emprunter le vaste escalier menant au centre de conférences.

Le hall d’exposition s’étend sur 4.480 m2 et n’est interrompu que par deux rangées de trois colonnes chacune, pour une hauteur libre de 8 m minimum, et sert de cadre à l’organisation de salons, de congrès, de concerts et autres événements publics. « Pour éviter les nuisances sonores envers le voisinage, toutes les parois vitrées, y compris les verrières de toit, sont équipées de panneaux acoustiques qui forment un tampon acoustique de 60 cm. L’élargissement des parois en béton offre une masse supplémentaire et le toit est entièrement dédoublé : une structure supplémentaire en bois remplie de laine de roche et finie avec un enduit acoustique limite les temps de réverbération. »

Le centre de conférences est conçu selon le principe des trois chaises et offre une capacité de plus de 500 personnes : chaque participant dispose d’une place assise à la salle plénière, dans les salles de réunion et au restaurant. « La superposition des diverses fonctions suit la séquence logique d’un congrès », détaille Eric Soors. « Au premier étage en double hauteur se trouvent le foyer, un vaste espace avec une vue sur la ville et l’auditoire pour les sessions plénières, agencé de manière flexible avec une tribune divisible et escamotable. Viennent ensuite les salles de réunion et les ‘break-out rooms’ pour des entretiens plus intimes. Ces salles peuvent être configurées à l’aide de parois mobiles pour obtenir au total 8 à maximum 12 salles de réunion. Le dernier étage abrite l’espace de restauration de 675 m2 avec une cuisine et une terrasse attenante. Un endroit idéal pour clôturer agréablement les congrès et les événements avec un lunch, une réception ou un diner. »

Le centre de conférences est desservi par deux vastes noyaux de circulation de part et d’autre du programme : un escalier public à l’angle sud-est du bâtiment et un escalier de service à l’angle nord-est. « Tous deux donnent accès au sous-sol qui abrite les fonctions communes comme les sanitaires et le vestiaire ainsi que le parking couvert pour les exposants et les organisateurs, un parking à vélos et, côté service, une seconde cuisine industrielle. Enfin, au-dessus du hall d’exposition, dans le prolongement des deux noyaux de circulation, deux espaces techniques allongés abritent notamment les centrales de traitement d’air qui alimentent le hall d’exposition et le centre de conférences en air frais, chaleur et/ou refroidissement. »

Une palette de couleurs astucieuse

Le plan du BMCC témoigne d’une efficience organisationnelle évidente et à l’intérieur, le coup de crayon fonctionnel n’est jamais loin. Bien qu’une attention particulière soit accordée à l’espace, à la hauteur libre, à la lumière et à la vue, la palette des couleurs et des matériaux reste sobre et limitée. Le hall d’exposition avec sa surface ouverte en béton, ses colonnes monumentales et sa structure en acier élancée baigne dans le gris, tandis que la même couleur prédomine au centre de conférences avec les murs en béton nu, les menuiseries grises et la moquette de même couleur. Seuls le foyer, l’auditoire et le restaurant ont un revêtement de sol en bois qui ajoute de la couleur et de la chaleur. « La palette de couleurs est maintenue sobre afin d’avoir un cadre neutre qui acquiert sa couleur et son caractère à son usage », indique Eric Soors. « En principe, une seule couleur RAL a été sélectionnée qui est prolongée sur toute la ligne. »

Une ligne qui se poursuit dans la menuiserie extérieure, bien que les façades en briques et les colonnes massives définissent le caractère du BMCC. L’intention initiale de travailler avec des briques de récupération s’est avérée irréalisable en raison du nombre élevé d’attestations nécessaires, mais une attention particulière a été accordée au choix de la bonne brique. « A un moment donné, nous avons réalisé un collage de toutes les façades des environs. À partir de là, nous avons étudié la couleur, le ton et le caractère de ce que nous avions précisément besoin. Si l’on combine cela à la maçonnerie simple et rudimentaire – les briques sont posées dans le mortier qui est uniquement nivelé ; sans jointoiement – on obtient une belle intégration du bâtiment dans son environnement. Il en va de même pour le roofing rouge en toiture. Contrairement à ce que l’on voit ailleurs à Bruges, le BMCC a un toit plat et non incliné, mais le choix d’un roofing rouge confirme la relation avec les tuiles rouges des toits environnants. »

Des arbres emblématiques

Cependant, ce n’est pas uniquement le choix des matériaux qui contribue à l’intégration harmonieuse du colosse dans le tissu urbain plutôt restreint de Bruges. D’après Eric Soors, le cadre de hêtres historiques autour du bâtiment crée également l’illusion que le BMCC fait partie de la ville depuis un certain temps. « Ces arbres sont là depuis au moins aussi longtemps que l’ancien bâtiment et c’était un souhait de la Ville de Bruges de les préserver. Lors de la conception, nous avons notamment décidé de ramener les murs du sous-sol de 3 m à l’intérieur afin que les racines des arbres aient suffisamment d’espace. »

Le grand défi lors dans la préservation des arbres résidait dans la logistique du chantier. « L’ensemble du processus de travail a été suivi par le service Domaine Public de la Ville de Bruges et des arboriculteurs externes. Ils nous ont surtout conseillé lorsqu’il fallait creuser à proximité des arbres. Toutes les opérations de transport et de logistique ont été réalisées entre les arbres, principalement via l’angle sud-est du site. La fosse à l’entrée du parking à vélos a été comblée à cet égard. »

Finalement, un seul arbre a été perdu. Les 38 autres ont été préservés dans leur intégralité et ils bénéficient d’un nouvel aménagement avec un tour d’arbre plus large, des plantes couvre-sol et des bulbes de jonquilles. À l’angle nord-est du site, un magnolia a été ajouté qui fleurit lorsque les hêtres sont en éveil. Un œuvre d’art en bronze de Philip Aguirre y Otegui représentant un empilement irrégulier de coupes inspirées de calebasses, d’où l’eau s’écoule paisiblement, forme la pierre angulaire de la nouvelle esplanade.

Des négociations permanentes

Au bout d’une procédure qui a duré cinq ans et d’une phase d’exécution de plus de deux ans, le BMCC a été livré et inauguré en décembre 2021. Malgré la pandémie de coronavirus et la complexité associée à une équipe de conception internationale, la date finale n’a été dépassée que de deux mois. Une livraison fluide qu’Eric Soors attribue en partie au choix d’une formule Design & Build, bien que l’architecte ait un regard critique à ce sujet. « Bien que l’on ait pris le temps lors des phases antérieures de parvenir à un Best & Final Offer (BAFO), un entrepreneur, lors d’une formule D&B, doit toujours soumettre un prix fondé sur un concept global au lieu d’une conception complète. En conséquence, il restait peu de marge pour le processus de conception ultérieur et il a fallu régulièrement négocier. »

D’après Eric Soors, une partie des négociations avait lieu pendant la phase d’exécution. « Au lancement des travaux, le dossier d’exécution n’était pas complètement prêt. Il a pris forme progressivement et il a fallu régulièrement adapter des travaux déjà réalisés. Le choix des matériaux a été finalisé en cours de route. Grâce à la bonne collaboration et à la communication fluide avec nos partenaires de construction, l’entrepreneur MBG et le développeur de projet CFE, nous avons toujours pu obtenir un bon détail mais la situation était loin d’être idéale. Maintenant, il s’agit de voir comment le bâtiment va évoluer dans les prochaines années et si le principe de la place couverte sera enfin appliqué. »

Fiche du projet

Maître de l’ouvrage: Ville de Bruges

Procédure: Concours, Design & Build

Architectes: TV Eduardo Souto de Moura – META architectuurbureau

Architectes paysagers: Landinzicht Landschapsarchitecten

Bureau d’études Stabilité: MOUTON, AFA Consult

Bureau d’études Techniques: hp engineers, AFA Consult

Bureau d’études Acoustique: Daidalos Peutz

Bureau d’études Espaces extérieurs: Ingenieursbureau France

Bureau d’études Mobilité: Vectris

Bureau d’études Sécurité incendie: FESG

Développement de projet: CFE

Entrepreneur principal: MBG

Surface: 21.036 m2

Calendrier: 2016 - 2021