PEOPLE & PROJECT  
Dimension 59 – février 2021

Sans issue

Un concours gagné, mais aucune perspective de réalisation des tours d’observation

En Flandre, des tours d’observation ont poussé comme des champignons ces dernières années. Cependant, de nombreux concepts primés ne sont pas réalisés parce que la mission a été annulée plus tard par le donneur d’ordre, souvent pour des raisons peu claires. C’est dommage, non seulement pour la qualité architecturale des projets mais aussi parce que la réalisation compenserait quelque peu la faible rémunération des architectes. Nous vous présentons trois tours d’observation qui auraient dû être construites à Doomkerke, Ostende et Roeselare.

Trois communes, trois équipes de conception, trois tours d’observation, un dénouement : les projets – tous primés – ont été abandonnés entre l’attribution et la réalisation. Il y a quelques années, la province de Flandre occidentale avait lancé avec Horizon 2025 un programme ambitieux visant à réaliser de nouvelles tours d’observation ou à optimiser les points de vue panoramiques existants. Plusieurs communes avaient organisé des concours d’architecture via l’Oproep WinVorm, la variante de Flandre occidentale de l’Open Oproep qui avait déjà conduit à de nombreuses réalisations de qualité. L’organisation de l’Oproep est une collaboration entre la Province de Flandre occidentale, les intercommunales WVI et Leiedal et le Bouwmeester flamand, qui a mis en place l’Open Oproep.

La culture des concours a indéniablement contribué à la résurrection de l’architecture flamande, bien que les rémunérations faibles – voire inexistantes – étaient à juste titre dénoncées par les bureaux participants aux concours. Mais là où ça devient vraiment douloureux, c’est quand le projet primé se meurt dans un soupir d’exécution lors du développement, ce qui s’est produit avec les tours d’observation à Doomkerke, Ostende et Roeselare. Sur l’organisation des concours, les architectes impliqués s’accordent à dire qu’ils se sont déroulés correctement, c’est après que les choses ont mal tourné. Les administrations communales sont trop désinvoltes face aux procédures de sélection et d’attribution et elles les interrompent trop facilement lors d’un changement de pouvoir ou de glissement de priorités. Ce qui laisse un goût amer aux architectes.

Une fois le concours remporté et les premiers obstacles franchis, le programme complexe et le budget limité obligent souvent les concepteurs à se contenter d’un salaire horaire bien trop bas. De plus, les projets ne restent pas sur la table à dessin des architectes. Des ingénieurs et autres partenaires sont largement consultés, de nombreuses réunions sont organisées. Le prestige du projet et la volonté de le voir aboutir motivent les architectes à persévérer malgré les honoraires insuffisants. Et puis la prise est soudainement tirée, sans motivation claire – comme ce bourgmestre nouvellement élu qui avançait des économies à réaliser comme raison, et qui ne semble pas être au courant de l’apport réel et des subsides bien plus importants pouvant être attribués par Westtoer. Les communes se sont-elles laissées convaincre de rejoindre un trajet dont elles ne comprenaient pas l’issue ou ne l’ont-elles pas prises au sérieux ? Etaient-elles vraiment demandeuses d’une tour d’observation ? Si une conclusion peut être tirée, c’est que les partenaires organisateurs feraient mieux de réfléchir à deux fois avant de convaincre des donneurs d’ordre hésitants, les communes en l’occurrence, quoi qu’il en coûte.

Rédaction: Ir.-arch. Arnaud Tandt

Tour d’observation à Doomkerke

Laura Muyldermans – Olivier Goethals – Dirk Jaspaert (BAS)

La tour d’observation à Doomkerke est fondée sur la structure d’un pylône à haute tension et fait référence aux antennes-relais militaires de Ruiselede. Elle est implantée le plus près possible de la forêt pour limiter la vue sur les maisons avoisinantes. La tour devait donc être la plus haute possible pour dépasser la cime des arbres. Compte tenu du budget modeste, ce mode de construction économique était un bon choix. Par ailleurs, elle appelle au désir des enfants de grimper dans la tour. La forme est étirée entre le design et le non-design. La construction est un clin d’œil à la structure conçue par Gustave Eiffel pour la Statue de la Liberté. Au Café New York à Doomkerke, il était possible de réserver un billet pour la traversée vers les Etats-Unis. Le sommet de la tour est une interprétation de la torche de la Statue de la Liberté. A l’intérieur, un escalier à double-hélice tortille jusqu’au premier plateau, à une hauteur de 20 m. La seconde partie de la promenade s’enroule autour du mât jusqu’au plateau le plus élevé à 33,3 m de haut, d’où l’on peut admirer les forêts vers Bruges.

Tour d’observation Tuinen van Stene – Ostende

Poot architecten – stefan.schöning.studio – UTIL – CLUSTER

La tour d’observation à Ostende est implantée en tête du parc agricole ‘de Tuinen van Stene’ et à l’arrière d’un développement commercial très fréquenté. La tour est reliée à une piste cyclable et pédestre. A l’instar de la tour à Doomkerke, les principes structurels des pylônes à haute tension sont appliqués, tels que les diagonales courtes caractéristiques, qui transfèrent la charge du vent. Le pylône a été adapté en un cylindre. Le cadre cylindrique se compose de trois plateformes : une terrasse, un anneau circulaire et une plateforme d’observation. Un arbre pousse au centre. Chaque niveau a sa forme et son expérience spécifiques. Le niveau inférieur, à hauteur de la piste cyclable et pédestre, comprend une terrasse accessible à tous. De là, deux mètres au-dessus des champs, le point de vue est idéal pour observer les jardins. L’aire de repos est équipée de quelques bancs. Le second niveau est un parcours circulaire permettant au visiteur de faire le tour de la structure. Il se promène à hauteur de la cime des arbres et peut admirer la terrasse en contrebas. Le dernier niveau supérieur abrite à nouveau une terrasse, 19 mètres au-dessus du niveau d’accès, un espace ouvert où le vent et la pluie sont sensibles. La construction intelligente se traduit par des colonnes élancées. La tour est un produit industriel raffiné, recouvert de verre blanchi à la chaux, une technique souvent utilisées pour les serres. Le jeu d’ombre avec la lumière du soleil, la structure, l’arbre et la perspective sont autant de points attractifs du lieu.

Tour d’observation Bergmolenbos – Roeselare

atelier vík – Ae-architecten – BACK architectenbureau – Mouton – Dumoulin Bricks

La tour d’observation à Roeselare se compose d’une construction ronde et d’un élément carré en brique. Au pied de la tour, l’élément carré est rétréci pour former un support rectangulaire, créant un passage inférieur entre les deux points d’appui. La circulation dans la tour est partiellement dédoublée ; la construction ronde abrite un escalier en colimaçon, tandis que l’élément carré renferme plusieurs escaliers donnant sur trois ‘pièces’. Avec la plateforme inférieure, ces pièces constituent quatre espaces de repos qui régulent le flux des visiteurs et proposent chacune une interprétation thématique. La tour reflète plusieurs références historiques. Outre les archétypes comme les moulins à grains, les cheminées industrielles ou les châteaux – même les châteaux de contes de fées, Raiponce aurait très bien pu lancer sa longue chevelure par la fenêtre ronde – la tour fait référence au Bergmolen présent jadis sur les lieux. La référence est le plus perceptible aux points d’appui avec l’escalier de meunier menant à la plateforme inférieure. Le Muse’um L tout proche et le méridien de lumière ont inspiré l’orientation nord-sud pour le jeu d’ombres lorsque le soleil est au zénith. Cependant, c’est le choix des matériaux qui ancre la tour dans le sol local. L’argile provenant des puits de Rumbeke est la matière première des briques, véritables éléments constitutifs de la tour, conçue en maçonnerie structurelle massive. L’usage d’un matériau et d’une technique de construction profondément enracinés dans l’histoire de Roeselare et l’érection d’une tour d’observation contemporaine sont un levier entre le passé et le futur.