TECHNIQUE
Dimension 56 – mai 2020
Les mesures passives dans les écoles BEN sont-elles suffisantes pour bénéficier d’un bon confort l’été ?
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Le restaurant universitaire Alma, sur le campus Gasthuisberg, cabinet 360 architecten. Plafond en béton perforé comme absorbant acoustique à masse thermique. Photo © Bailleul Ontwerpbureau

Le Zilverberk à Halle, cabinet AWG-architecten. Équilibre soigné entre l’absorption acoustique et le caractère ouvert de la masse thermique. Photo © Senne Van der Ven
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Dans cet article, nous examinons pourquoi la température dans les écoles augmente parfois trop. Comment et dans quelle mesure pouvons-nous éviter une surchauffe en été avec des mesures passives ? Les mesures passives sont-elles suffisantes dans les écoles bien isolées ou une isolation importante va-t-elle toujours de pair avec une climatisation active ?
Équilibre entre gains et pertes
Le bilan thermique d’un bâtiment est assez simple à établir : une classe se réchauffe lorsqu’il y a davantage d’apports de chaleur que de pertes.
En général, la température extérieure en été, en Belgique, est inférieure à la température intérieure. Les élèves et les appareils électriques (tableau intelligent, ordinateurs, éclairage) dégagent de la chaleur et réchauffent la classe en plus du soleil. La ventilation insuffle de l’air extérieur plus froid et extrait l’air intérieur chaud.
Nous connaissons, de plus en plus souvent, des journées d’été très chaudes durant lesquelles les températures extérieures sont plus élevées qu’à l’intérieur et où la ventilation apporte de la chaleur en plus, plutôt que de l’extraire. Sans systèmes de climatisation complémentaires, il ne reste que la possibilité de stocker la chaleur dans une masse thermique telle que le béton et la maçonnerie.
Les écoles disposant d’un système de ventilation ont-elles encore besoin d’ouvrants ?
Le taux d’occupation (nombre de personnes/m²) est assez élevé dans une classe : il y a environ trois à quatre fois plus de personnes que dans un bureau paysager. Une occupation plus importante signifie plus de chaleur.
Mais comment peut-on évacuer l’excès de chaleur ? Un jour d’été moyen, durant lequel la température extérieure est inférieure à la température intérieure, une école écoénergétique récente perd très peu de chaleur à travers l’enveloppe bien isolée du bâtiment. La quantité de chaleur que l’on peut évacuer via la ventilation dépend du débit et de la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur. Par exemple, avec un débit de 30 m³/h/personne et une différence de température de 10°C, vous pourriez théoriquement évacuer la chaleur des élèves d’une école primaire. En réalité, la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur un jour d’été est souvent bien inférieure à 10°C et les débits de ventilation sont souvent inférieurs à 30 m³/h/personne (ex. débit PEB minimal de 22 m³/h/pers). Le système de ventilation est alors insuffisant pour évacuer efficacement les apports de chaleur internes. Le nouvel AR « Bien-être au travail » impose des débits de ventilation supérieurs ou égaux à 40 m³/h contre 30 m³/h précédemment. Ce n’est pas seulement bon pour la qualité de l’air intérieur, mais aussi pour le confort d’été.
L’ouverture des fenêtres peut apporter une solution et fournir plus de ventilation en évacuant efficacement la chaleur de manière naturelle. Outre leur impact positif sur le bien-être des utilisateurs, l’ouverture des fenêtres est importante dans la lutte contre l’excès de chaleur. Les classes disposant de fenêtres donnant sur des façades différentes peuvent être mieux ventilées (ventilation traversante) que les classes ne donnant que sur une seule façade (ventilation unilatérale). Ce débit peut encore être augmenté grâce à des ouvrants en partie supérieure ou des fenêtres de toit (effet cheminée).
Système de ventilation à préchauffage ou pré-refroidissement
Un échangeur de chaleur fournit de l’air ‘préchauffé’ en hiver au système de ventilation. On apporte ainsi plus de confort et l’on réduit la consommation de chauffage.
L’été, ce préchauffage n’est pas souhaitable. Une dérivation sur l’échangeur de chaleur permet de ne pas préchauffer l’air neuf et d’extraire immédiatement l’air chaud vicié. La dérivation (by-pass) est de préférence activée à des températures extérieures d’environ 15°C (selon le type de bâtiment, l’occupation, les apports de chaleur internes, l’isolation, ...). Nous remarquons que dans de nombreuses écoles, la dérivation ne commence à fonctionner qu’à partir de 18 ou 20°C, ce qui est souvent trop tard pour évacuer encore efficacement la chaleur. Dès que la température extérieure dépasse la température intérieure, lors des chaudes journées d’été, la ventilation ne peut évacuer suffisamment de chaleur et il vaut mieux désactiver la dérivation. L’échangeur de chaleur peut alors à nouveau pré-refroidir l’air insufflé et la température intérieure de l’école reste ainsi agréablement fraîche.
Peut-on ouvrir les fenêtres d’une école équipée d’une ventilation mécanique ?
Un système de ventilation correctement dimensionné garantit une bonne qualité de l’air intérieur. Lorsque les fenêtres sont ouvertes, la ventilation naturelle évacue en partie la chaleur, les substances nocives et le CO2. Si vous travaillez avec un système de ventilation piloté en fonction de la concentration en CO2, le capteur de CO2 constatera la diminution de cette dernière et provoquera une réduction de débit. Si les fenêtres ne sont que légèrement ouvertes (par exemple en position oscillo-battante), la ventilation naturelle sera probablement insuffisante et la ventilation mécanique fonctionnera partiellement jusqu’à ce que la concentration de CO2 souhaitée soit atteinte. Ainsi les ventilateurs, l’un des principaux postes de consommation d’énergie dans les nouvelles écoles, utilisent moins d’énergie. Un système de ventilation entièrement mécanique, sans contrôle de fonctionnement, maintient les mêmes débits de ventilation lorsque les fenêtres sont ouvertes.
Par temps venteux, le vent peut toutefois avoir un impact sur le système de ventilation (avec ou sans contrôle de fonctionnement). Dans un bâtiment fermé, les ventilateurs produisent en effet les différences de pression nécessaires pour bien ventiler les locaux. Avec les fenêtres ouvertes, le vent influe sur les pressions, ce qui signifie que les ventilateurs doivent parfois travailler plus ou ne peuvent même pas apporter la bonne quantité d’air partout. Est-ce grave ? La plupart du temps non. Ouvrez sans problème les fenêtres et évacuez ainsi la chaleur.
L’étanchéité à l’air contribue-t-elle à la surchauffe ?
Non, le transfert de chaleur à travers les fissures et les interstices de l’enveloppe du bâtiment est très minime durant les jours chauds, même pour des bâtiments qui ne sont pas étanches à l’air.
Est-ce une nécessité d’avoir des protections solaires ?
Les apports de chaleur internes élevés dans une salle de classe en été sont difficiles à évacuer par la ventilation. En outre, le soleil peut également fournir beaucoup de chaleur supplémentaire et entraîner rapidement une surchauffe. La meilleure façon d’éviter cette chaleur est d’avoir une protection solaire mobile extérieure. Elle occulte le soleil quand il n’est pas désiré et le laisse passer lorsqu’il aide à se réchauffer et fournit beaucoup de lumière du jour.
L’inconvénient d’une protection solaire mobile est qu’elle demande de l’entretien et un investissement complémentaire. Une protection solaire fixe ou un vitrage équipé d’un filtre solaire revient moins cher et nécessite moins d’entretien. D’un autre côté, ce type de protection solaire est moins performant, augmentant ainsi le risque de surchauffe en été et réduisant les apports de chaleur l’hiver. De plus, il limite fortement la lumière naturelle incidente.
Une protection solaire extérieure agit aussi comme protection contre l’éblouissement. Une protection solaire fixe ou un vitrage solaire nécessitent encore en plus une protection contre l’éblouissement.
Une protection solaire mobile, qui laisse passer l’air, tel qu’un bardage à lames, permet de masquer le soleil, de voir à travers et de laisser passer, lorsque l’on ouvre les fenêtres, la ventilation naturelle (qui comme nous l’avons vu, est nécessaire pour évacuer la chaleur).
Il est possible de réduire les coûts de maintenance en choisissant une protection solaire résistant au vent, avec un contrôle automatique en fonction de la force du vent. Il est préférable aussi que le réglage de la protection solaire soit automatique, avec un capteur solaire par surface de façade représentative, et puisse être ajusté manuellement localement.
Bien entendu, la surface vitrée joue également un rôle. Une classe entièrement vitrée chauffera plus rapidement qu’une classe avec une structure de façade équilibrée. Lors de la conception, il faut tenir compte, d’une part, d’une surface vitrée suffisante pour une bonne incidence de lumière du jour, d’une visibilité suffisante vers l’extérieur et d’un positionnement correct pour une ventilation naturelle. D’autre part, la surface vitrée doit être limitée pour éviter une surchauffe en été et des pertes de chaleur supplémentaires en hiver.
A-t-on besoin d’une protection solaire côté nord ?
Au nord, il n’y a pas de soleil direct. C’est celui qui produit le plus de chaleur. Mais les gouttelettes d’eau dans l’atmosphère diffusent les rayons du soleil. Par temps couvert, la transmission de chaleur par rayonnement solaire diffus peut être relativement élevée. Une classe orientée au nord peut ainsi chauffer trop. Les simulations dynamiques montrent à chaque fois que les classes situés au nord ont également besoin d’une protection solaire.
Quelle est la différence entre une ossature bois, du CLT (bois lamellé croisé) et une construction en dur ?
La masse thermique retarde l’équilibre thermique dans son évolution. L’air se réchauffe moins rapidement lorsque les apports de chaleur augmentent. Le refroidissement naturel, la nuit, peut ainsi évacuer efficacement la chaleur lorsque les températures extérieures sont plus basses. Un bon refroidissement nocturne nécessite des fenêtres à commande automatique (pluie, contrôle de la température), avec des moustiquaires et une protection contre l’intrusion. Activer l’installation mécanique pour le refroidissement nocturne s’avère moins efficace. Les débits de ventilation sont assez faibles, la consommation d’énergie pour la ventilation augmente considérablement et les ventilateurs préchauffent en partie l’air.
Un bâtiment en dur a environ cinq fois plus d’inertie thermique qu’un bâtiment à ossature bois et environ deux fois plus qu’un bâtiment en CLT (Cross Laminated Timber ou bois lamellé croisé). Les écoles ont la possibilité d’appliquer le refroidissement nocturne car elles ne sont utilisées que pendant une période limitée de la journée.
Comment concilier acoustique et inertie thermique ?
Dans les écoles, une bonne acoustique favorise les performances d’apprentissage, le confort de l’enseignement et la tranquillité dans l’école. L’isolation acoustique occulte généralement la masse thermique. Un équilibre soigné entre l’absorption acoustique et le caractère ouvert de la masse thermique est important. Au restaurant universitaire de Gasthuisberg, nous avons réalisé un plafond suspendu en béton perforé en collaboration avec 360 architecten et Dirk Jaspaert, ingénieur chez B.A.S. Il permet d’absorber le bref pic de chaleur pendant la pause déjeuner, sans refroidissement actif, et également de limiter le niveau de bruit dans le restaurant.
Quelle est la différence entre des écoles en ville et à la campagne ?
En raison de l’effet d’îlot de chaleur, les températures dans les villes, en été, sont de 1 à 3°C plus élevées qu’à la campagne. De ce fait, la ventilation naturelle est moins à même d’évacuer la chaleur. Plus il y a de verdure au voisinage de l’école et plus d’ombre sur le terrain de jeux et le bâtiment grâce aux arbres, plus la température extérieure est basse.
La couverture du toit de l’école joue également un rôle. S’il est blanc, la température en toiture sera inférieure à celle d’un toit noir (par exemple 25°C contre 60°C) En conséquence, les classes sous le toit chauffent remarquablement moins, même avec beaucoup d’isolant en toiture. Nous isolons une façade avec, par exemple, 20 cm d’isolant pour garder le froid à l’extérieur, par exemple 20°C de différence de température entre 1°C extérieur et 21°C intérieur. Pendant l’été, la température d’un toit noir peut atteindre 60°C, alors que nous voulons 24°C à l’intérieur. Soit une différence de température de 36°C. Il est donc important de réduire la température en surface.
Un toit blanc est d’autant plus important lorsque la prise d’air neuf se trouve en toiture, ou lorsque les fenêtres donnent sur le toit. Et mieux encore qu’un toit blanc, une toiture végétalisée. En raison de l’évaporation, les températures en toiture sont alors encore plus basses. Mais il y a lieu dans ce cas d’envisager une récupération des eaux de pluie facile à entretenir.
Quel est l’impact du changement climatique ?
Malheureusement, les conséquences du changement climatique se font déjà partiellement sentir, et cela jouera un rôle encore plus important dans les années à venir. Nous pouvons nous attendre à des conditions météorologiques extrêmes telles que des périodes de canicule, et généralement à plus de nuages. Un bon éclairage naturel prend également de plus en plus d’importance.
Pendant une vague de chaleur, la température extérieure se situe bien au-dessus d’une température intérieure confortable. Une enveloppe bien isolée et étanche à l’air maintient la chaleur à l’extérieur, et la protection solaire extérieure limite les apports du soleil. La masse thermique stocke les apports de chaleur internes, mais en raison des fortes températures la nuit, le refroidissement nocturne est à peine utilisable. Il est possible de rafraîchir l’école grâce à un refroidissement passif via l’énergie géothermique ou des échangeurs de chaleur en sol. Malheureusement, les budgets pour les nouvelles écoles ne permettent souvent pas une pompe à chaleur avec un stockage d’énergie en sol, moyen idéal pour rendre une école indépendante de l’énergie fossile. Le message est d’utiliser au maximum les techniques passives (telles que le pré-refroidissement à l’aide de l’air froid intérieur via l’échangeur de chaleur du système de ventilation).
Des mesures passives (stores extérieurs mobiles, fenêtres ouvrantes, refroidissement nocturne et inertie thermique) sont suffisantes pour assurer un confort d’été acceptable dans les écoles par un temps d’été normal. Pendant les vagues de chaleur, un refroidissement est nécessaire, de préférence passif, à l’aide d’un stockage d’énergie en sol. Cela convient parfaitement pour une école sans énergie fossile.
Cet article fait partie du projet ‘Binnenluchtkwaliteit in schoolgebouwen’ (Qualité de l’air intérieur dans les bâtiments scolaires) » avec le soutien du Département de l’environnement du gouvernement flamand.
Door Friedl Decock – Daidalos Peutz