PEOPLE & PROJECT  
Dimension 51 – février 2019

G-LAB

Un lieu d’hospitalité

Tom Callebaut (tc-plus) a transformé sa maison en un lieu où accueillir sa famille... et son quartier.

HOSPITALITÉ

Dans une rue tranquille d’un faubourg de Bruges se trouve un projet spécial. G-LAB est la maison que Tom Callebaut (tc-plus) a convertie pour sa famille de cinq personnes; mais elle est aussi un lieu partagé – au sens le plus généreux du terme. Le G de G-LAB incarne l’hospitalité (gastvrijheid) et la générosité (generositeit). G-LAB, c’est à la fois une idée, une attitude et un lieu.

FRONTIÈRE

Aux abords de la maison, une fois franchis les murs de béton vert et le rideau blanc, un ruban de plastique attire l’attention. Tendu entre quelques tiges plantées sur la bordure qui sépare l’asphalte de la cour avant, il semble être une tentative pour confirmer cette limite. A mieux y regarder, il n’est là que temporairement pour laisser pousser la nouvelle pelouse. En effet, côté rue, toute forme de séparation a disparu depuis des années. Peu après l’arrivée de Tom Callebaut et de sa famille, la rénovation de la maison a donné lieu à une expérience mettant l’hospitalité à l’honneur. Voici quelques années, un pavillon destiné aux passants a été construit dans le jardinet avant. Ce volume flottant en forme de poutre se trouvait à quelques mètres derrière la ligne séparant la maison de la rue. Dès le départ, il s’est conçu comme un laboratoire. Des étudiants venaient y travailler, tout comme dans le jardin arrière de la maison, et pour Tom Callebaut et son bureau tc-plus, c’était un lieu d’expérimentation intéressant, un peu comme un générateur pour le quartier, et un filtre entre le public et le privé. Plus qu’une frontière, c’était une zone intermédiaire.

Le pavillon a évolué au cours de ses cinq ou six années d’existence. «L’architecture est un processus et non un projet», affirme Tom Callebaut. Le volume s’est de plus en plus ouvert. Les murs ont disparu, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une partie du pavillon, une surface et une longue table. L’idée d’organiser un défilé final pour emmener la table ailleurs a été abandonnée, parce que les planches n’étaient plus récupérables à ce moment-là.

G-LAB

Le pavillon des passants a mué jusqu’à ce qu’il n’en reste plus grand-chose, si ce n’est les idées qu’il a permis de générer. Ces expériences ont contribué à former le terreau fertile du G-LAB. Entretemps, Tom Callebaut avait entamé un doctorat sous l’intitulé «l’espace généreux, un concept de connexion pour un monde et le mouvement», une recherche conceptuelle sur «l’espace généreux qui [veut] connecte[r] les polarisations traditionnelles telles que profane-sacré, public-privé, local-sociétal et ascendant/descendant». Ce trait d’union, cette zone intermédiaire, est finalement devenu le point de départ de la dernière rénovation en date de la maison, qui a touché l’ensemble de celle-ci. Bien qu’il se soit principalement agi d’ajouts, certains espaces ont été couverts ou murés pour obtenir quatre pièces extérieures et un WC extérieur. Depuis lors, deux pièces extérieures à l’avant (murées) et deux pièces extérieures à l’arrière (couvertes) ont été reliées aux espaces de vie.

FAÇADE

La façade a été avancée. Au-delà de la piste de pétanque, des surfaces de béton vert entourent un espace extérieur sans toit. La sonnette est incorporée dans le mur de béton, avec le mot «sonnette» et une flèche dessinée à la chaux. Les murs et une dalle de béton de couleur verte coulée sur place marquent deux pièces avant. A gauche, un coin en planches de béton embrasse une surface en gravier, où pousse un arbre. Sur la droite – attenant à l’entrée et à l’espace de vie – on a coulé une plaque bordée sur la droite par un mur de coffrage plat. Sur le mur, on peut lire: «Vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne», une citation de Jean-Jacques Rousseau que Tom Callebaut a retenue d’un professeur de français du secondaire. Un rideau blanc permet de «fermer» la façade et de la transformer en patio intime. Le rideau flotte alors au gré du vent ou de la brise, limite molle qui change toujours et marque plus souvent le temps qu’il fait qu’une séparation. La couleur verte du béton adoucit la transition entre l’architecture et la nature: quand la mousse y pousse, elle devient encore plus belle.

FAMILLE

La frontière de la famille est aussi celle du projet. Différents types d’activités peuvent être organisés à condition qu’il s’agisse d’activités de création de lien, axées sur l’apprentissage du vivre ensemble. Quiconque veut utiliser l’espace doit savoir qu’il y a aussi une famille. Parfois, l’utilisateur dispose de toute la maison, parfois uniquement des deux pièces avant, à l’extérieur, côté rue. Les besoins et les possibilités de la famille définissent la frontière. A l’intérieur de la maison, des transitions subtiles ont été définies pour délimiter les zones. Entre la grande pièce de vie qui relie deux espaces extérieurs à l’avant et à l’arrière et une pièce plus intime, peinte en jaune, se trouvent la cuisine et le couloir au plancher légèrement surélevé. La petite marche fait office de siège le long de la bibliothèque. Il y a aussi d’autres places assises ailleurs, et le bureau dans la chambre jaune peut se transformer en endroit où l’on peut s’asseoir voire dormir. Avec trois alcôves perçant le toit, la chambre des enfants au premier étage était également conçue de manière très flexible, mais une seule a été finalement réalisée. La chambre des parents communique avec la chambre jaune, tout comme la salle de bain. Pendant les mois d’été, ils ont même déplacé leur lit dans l’espace extérieur couvert à l’arrière de la maison, tels des nomades dans leur propre maison.

COMMUNAUTÉ

L’exemple de Tom Callebaut et de sa famille a fait des émules. Un couple du quartier a ouvert la prairie au fond de sa parcelle à tous les voisins. Les enfants peuvent maintenant y jouer librement. Entretemps, la ville de Bruges s’est également laissé convaincre, et le projet a servi de toile de fond à une partie de la Triennale.

Il est remarquable que ce soit dans un quartier résidentiel – une typologie parfois critiquée d’un point de vue durable – que cet exercice de convivialité soit seulement une source non seulement d’épanouissement mais aussi d’inspiration. Dans une société où les contradictions sont exacerbées, le G-LAB est une marque de liaison bienvenue. G-LAB offre également une alternative ou un complément intéressant pour de nombreuses formes de logement partagé. Alors que le cohousing, par exemple, se concentre beaucoup sur la frontière entre le (semi-)public et le privé, G-LAB montre la richesse d’une frontière fluide qui peut évoluer en fonction de la demande et de l’occupation, et qui peut apporter une valeur ajoutée tant au résident qu’à la communauté.

Pour plus d’informations:

de genereuze ruimte > www.g-motion.org

tc-plus > www.tc-plus.be

Arnaud Tandt

Photos © Luc Roymans

Photos © Tom Callebaut

sauf le plan d’étage: © tc-plus