TECHNIQUE
Dimension 49 – septembre 2018
Une norme pour le béton apparent
prNBN B 15-007

Bibliothèque de Termonde – BOB361 architects (Photo : André Nullens)

Bibliothèque de Termonde – Bob361 architects

Les joints constituent une part essentielle et inévitable de toute construction en béton. (Source : CSTC)

Différentes finitions des joints de plaques donnent des résultats divers. (Source : CSTC)
PreviousNextChacun connaît le béton. Il s’agit d’un matériau de construction polyvalent qui doit, entre autres, son succès à sa résistance d’une part, et d’autre part au fait qu’il est coulé et peut donc adopter toutes les formes désirées. Mais les caractéristiques de surface du béton, liées à sa composition, à la manière de le traiter, aux caractéristiques du moule dans lequel il est coulé, et au traitement de la surface durcie ou en cours de durcissement, offrent des possibilités esthétiques quasi infinies. Toutefois cette polyvalence même les rend encore plus incertaines, ou en d’autres termes, il est moins évident de réaliser précisément et véritablement les exigences esthétiques souhaitées. Il s’ensuit que le résultat n’est souvent pas satisfaisant, et que des litiges naissent entre les payeurs, les concepteurs et les exécutants. D’où la mise en place de la norme prNBN B 15-007.
Litiges liés à des malentendus
Lorsque l’on demande du ‘béton apparent’, à quoi peut-on alors s’attendre ? Est-ce la surface brute de décoffrage que l’on peut obtenir à partir de n’importe quel coffrage ? Est-ce la surface obtenue en utilisant des panneaux de coffrage spéciaux ? Ou simplement en disposant ces panneaux de coffrage de manière ordonnée ? Est-ce une surface qui doit ou peut ensuite être traitée pour obtenir un résultat acceptable ? Est-elle grise, uniformément grise ou encore avec de grandes variations de teintes de gris ? (à nouveau !) S’agit-il de béton préfabriqué ? Est-ce pareil que le béton architectonique ? …
Il est clair qu’il n’existait (ni n’existe et n’existera) pas d’appellation univoque et précise à ce sujet et il semble donc y avoir une attente. C’est pourquoi l’on a tenté dans la norme de concevoir un système basé sur une classification et des niveaux de prestation. De la même manière que les systèmes développés pour les couleurs, parce que ‘rouge foncé’ n’est pas une notion reproductible objectivement. Avec le système RGB (x% de rouge, y% de vert et z% de bleu) chacun sait de quoi il s’agit.
Litiges liés à des défauts
Vous seriez surpris de tous les défauts pouvant survenir lors de la réalisation d’une surface en béton : alvéoles, trous, piqûres, traces, irrégularités, lixiviations, ressauts, ondulations, salissures, décolorations, marques, fissures… . Certains défauts sont faciles à éviter, d’autres le sont moins. Parfois en essayant de remédier à un défaut, vous en renforcez un autre. Et ce défaut est aussi dérangeant que l’autre. Et en outre, cela dépend aussi des personnes.
Même si tous les acteurs d’un projet ont le même objectif (maître d’ouvrage, utilisateur, concepteur, ingénieur, coffreur, fournisseur de béton…), à savoir ‘du béton apparent en tant que surface de béton avec un aspect esthétique’, les attentes et les appréciations diffèreront aussi longtemps qu’on ne le définira pas avec précision. Il existe naturellement des descriptions étendues permettant de réussir à répondre aux attentes. L’ennui c’est qu’elles ne sont pas largement diffusées, ni chez les concepteurs, ni chez les exécutants.
prNBN B 15-007
Ce n’est qu’en raison du nombre important de ces litiges que l’on en est venu à rédiger la norme prNBN B 15-007. Ces discussions sont plus fréquentes dans le cas de surfaces coulées sur place et qui par la suite ne subissent plus aucun traitement (grenaillage, polissage, peinture…) et qui sont considérées comme lisses. Il est compréhensible qu’une surface avec un relief clairement recherché (coffrage de planchettes, coffrage structuré) ou avec une texture grossière (dans laquelle de nombreux défauts déjà mentionnés sont bien moins visibles) soulève moins de discussions.
C’est pourquoi la norme distingue six types différents de béton (ZBA 1 à 6, ZichtBeton / Béton Apparent), parmi lesquels elle ne traite que les deux qui suscitent le plus de litiges :
- ZBA/1: coffré, non traité, lisse
- ZBA/2: coffré, non traité, à texture fine
En outre la norme distingue quatre caractéristiques de surface, regroupant les défauts apparaissant le plus souvent. On parle ici de :
- T Texture
- LBA Bulles d’air (LuchtBellen – Bulles d’Air)
- HT Homogénéité de Teinte
- VTF Tolérance de forme (VormTolerantie – Tolérance de Forme)
À ces quatre états de surface sont associés des niveaux de prestation. On parle des niveaux suivants :
- C (ou niveau 1 pour les quatre caractéristiques T, LBA, HT et VTF)
- B (ou niveau 2 pour les quatre caractéristiques T, LBA, HT et VTF)
- A (ou niveau 3 pour les quatre caractéristiques T, LBA, HT et VTF)
Les niveaux ci-dessus sont énumérés par valeur croissante : ‘le bon travail (C)’, ‘l’excellent travail (B)’ et ‘le travail ultime (A)’. Si l’on oublie de préciser un niveau de prestations, ce dernier est évidemment le niveau C.
Même si tous les acteurs d’un projet ont le même objectif, à savoir ‘du béton apparent en tant que surface de béton avec un aspect esthétique’, les attentes et les appréciations diffèreront aussi longtemps qu’on ne le définira pas avec précision.
Quelques exemples à l’appui
Nous voulons un béton lisse coulé sur place, apparent et esthétique qui soit en outre économique. Nous le décrivons comme ‘béton apparent de type ZBA/1’. Pour être plus poli, l’on écrira ‘ZBA/1/C au sens de la norme prNBN B15-007’.
Nous voulons un béton à structure fine, coulé sur place, apparent et esthétique, et qui soit surtout très lisse. Et le prix peut en être élevé. Nous le décrivons comme ‘ZBA/2/T3-LBA3-HT3-VTF3 au sens de la norme prNBN B15-007’.
Attention : il faut encore beaucoup plus de données pour savoir et obtenir ce que l’on souhaite !
Communication et accords
Nous pouvons éviter les litiges si tous les participants au processus de réalisation communiquent bien entre eux, s’il y a également des accords à ce sujet et si l’on rédige aussi ces accords par écrit. Pour que cette communication ait le plus de chances de réussir, la norme indique quels aspects, outre les types et classes de prestation indiquées ci-dessus, doivent avant tout être communiqués.
Il y a lieu ainsi de discuter des caractéristiques des joints de panneaux, des joints de coulée, des bords de coffrage, des trous de tige de centrage, les joints de dilatation, les impressions de vis ou de clous, la teinte grise, la nature du coffrage, la composition, la production ; le transport, le traitement et la finition du béton… et ce, de chaque élément de béton relevant du domaine d’application de cette norme. Cela semble évident, mais ce n’est pas le cas : les bâtiments comportant beaucoup de ‘béton apparent relevant de cette norme’ nécessitent beaucoup de temps et d’énergie en communication et en accords pour chaque poteau, poutre, paroi, à gauche, à droite, devant, derrière et au-dessus… .
Prix
La ligne croissante d’appréciation entre le ‘bon travail (C)’, le ‘travail excellent (B)’, et le ‘travail ultime (A)’ se retrouve aussi dans le temps consacré au processus de réalisation et à la communication concernée. Cette ligne n’est pas une droite, mais une courbe exponentielle. Le niveau B n’est pas simplement deux fois plus cher, et le niveau A n’est pas simplement quatre fois plus cher que le niveau C. Ceci est également un élément important de la communication avec celui qui paie.
Domaine d’application
C’est seulement à travers la communication et la conclusion d’accords que cette norme trouve son application. Ceci veut dire que pour des applications telles que, par exemple, des constructions enterrées ou des ouvrages de génie civil, pour lesquels, la plupart du temps, on n’attend pas de finition esthétique au sens de cette norme, on ne peut imposer la validité de cette dernière, sauf à mentionner uniquement ‘béton apparent conforme à la norme prNBN B15-007’.
Tolérances
Une fois un travail terminé, on juge si l’objectif est atteint ; en d’autres termes, si la surface de béton apparent est effectivement au niveau de prestation convenu. Les limites auxquelles les états de surface doivent être confrontés sont indiquées dans la norme. La manière de les mesurer, l’est également.
Mais que faire lorsque le résultat avoisine les limites ? Que faire si sur les 70 mètres linéaires de joints d’un mur complet il n’y a qu’un seul mètre linéaire présentant une perte inacceptable de laitier, répartie en cinq endroits ? La norme impose à ce sujet que, d’une part, l’appréciation soit établie raisonnablement, et que d’autre-part, on applique une tolérance de 5%. Il y est expliqué en détails ce que signifie cette tolérance et comment elle doit être appliquée dans l’évaluation du travail.
C’est seulement à travers la communication et la conclusion d’accords que cette norme trouve son application.
Prescription
Nous avons insisté pour que l’utilisation du terme ‘prescrire’ dans la norme ne se réfère pas automatiquement et exclusivement à la prestation du concepteur. Un exécutant peut en effet également prescrire. Un sous-traitant de travaux de béton peut ainsi prescrire la composition du béton sous la forme d’un bon de commande au fournisseur de béton, lequel à son tour peut prescrire les additifs au fournisseur correspondant. Les accords passés entre entrepreneur, sous-traitants, fournisseurs et concepteur, doivent également être considérés comme des ‘prescriptions’.
La majeure partie des travaux fait l’objet d’un appel d’offres, toutefois sans communication préalable entre le concepteur et l’exécutant, mais uniquement entre le payeur et le concepteur. Ceci veut dire que lorsque le prix et la prescription (= ici le dossier d’adjudication provisoire) ne peuvent plus changer après l’appel d’offres, et c’est le plus souvent le cas pour les adjudications publiques, que la prescription doit être suffisamment détaillée. Ce n’est qu’ainsi que l’exécutant peut proposer un prix dans lequel il pourra, par la suite, encore passer les accords nécessaires.
Le concepteur pourra décider lui-même, avec la norme pour guide, jusqu’où il veut aller dans la prescription, tout en en mesurant les conséquences. Moins elle est détaillée, et plus l’exécutant a la liberté de faire des choix et se contenter d’un certain niveau d’exécution.
Il est donc conseillé de prescrire de la façon la plus détaillée possible, en se basant sur la norme. Gardez-vous toutefois de tout vouloir prescrire : sur le plan de la composition du béton et des aspects d’exécution, voire des aspects de coffrage, il peut être plus intelligent d’indiquer que ces choix devront être faits durant le processus de réalisation, par des communications et des accords entre tous les intéressés. Tout le monde n’a pas les connaissances concernant, par exemple, l’influence d’une certaine huile de coffrage sur la teinte de gris souhaitée.
Note technique
Parallèlement à la norme, il a été rédigé aussi une note technique concernant le béton apparent. Les avantages de cette parution simultanée sont d’éviter les contradictions, d’utiliser la même terminologie et de faire référence à la norme. Cette note technique est très générale ; elle comporte des informations très utiles et constitue un complément idéal à la norme.
Assurez-vous de rédiger votre dossier d’appel d’offres de la façon la plus détaillée possible, afin d’éviter des déboires par la suite.
Par Lieven Verbruggen Ir.-arch., Artex Ingenieurs & Architecten